Voici l’entretien que Louis a accordé à ses élèves à l’aube de ses 70 ans. Il nous y fait découvrir la richesse de sa trajectoire à titre de pratiquant et d’enseignant certifié de yoga Iyengar.

Q. Louis, tu vas célébrer tes 70 ans cette année, le 15 mars 2024, et le studio M Yoga fêtera ses dix ans. Depuis toutes ces années, tu as porté la charge de l’enseignement de tous les niveaux, en plus de poursuivre assidûment ta formation en vue de l’obtention du Niveau 3 d’enseignement du yoga. Où et comment trouves-tu toute l’énergie nécessaire à cette colossale mission ?

R. D’abord mon but premier c’est de pratiquer le yoga et d’intégrer la philosophie du yoga à ma pratique et dans ma vie. Mon objectif a toujours été de développer le yoga Iyengar à Québec et surtout de former des professeurs afin que la ville de Québec devienne un pôle d’attraction pour l’Est du Québec au même titre que Montréal.

Q. Dans quelles circonstances as-tu été amené au yoga Iyengar ?

R. La première fois que j’ai pris connaissance de l’existence de B.K.S. Iyengar, c’est en lisant une biographie sur le violoniste Yehudi Menuhin dans laquelle il disait que B.K.S. Iyengar avait été son meilleur professeur de violon. Comme j’étudiais alors le piano, cela m’avait intrigué. C’était en 1976 ou 1977 et je me souviens très bien que j’étais dans un réfectoire à Granby alors que je participais au Festival de Granby, soit comme accompagnateur au piano ou comme chanteur compositeur.

Q. Depuis quand pratiques-tu le yoga, quand et comment cela a-t-il commencé ?

R. J’ai suivi mes premiers cours de yoga Iyengar en 1978 à Boston avec Karin Stephan. Ces cours faisaient partie de la formation de cuisinier macrobiotique offerte par le Seventh Inn Restaurant. Malheureusement, après deux mois, la direction a désigné un nouveau professeur de yoga, un Coréen qui n’enseignait pas le yoga Iyengar. De retour à Québec, j’ai pratiqué le hatha-yoga par moi-même et j’ai dû attendre jusqu’en 1998 pour recommencer à suivre des cours de yoga Iyengar avec Lucie Guindon.

Parallèlement, durant ces années, j’ai suivi l’enseignement de Paramahansa Yogananda en étudiant les leçons que la Self Realization Fellowship offrait par correspondance. Ce cours était davantage centré sur la méditation. C’est lorsque j’ai commencé le yoga Iyengar avec Lucie Guindon que j’ai compris que la méthode Iyengar correspondait vraiment à mes besoins et que pour moi la pratique des asanas et, plus tard du Pranayama, me permettait davantage de calmer mon mental, d’améliorer ma concentration et de méditer correctement.

Q. Comment ta pratique t-a-t-elle transformé ?

R. Je suis sobre depuis 34 ans et la pratique du yoga m’a permis de consolider les bases de ma sobriété d’autant plus que Johanne et moi, nous jouions alors de la musique dans les bars de la province, nous déplaçant de ville en ville. Ce rythme de vie atypique apportait son lot d’instabilité et d’insécurité financière.

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Je souffrais d’insomnie et, pendant longtemps, j’ai pratiqué le yoga durant la nuit (Viparita Karani, tous les suptas, le Pranayama en expiration et Bhramari, et surtout les deux inversions Salamba Sirsasana et Salamba Sarvangasana que j’appelle ma pilule extra forte pour le sommeil!). Peu à peu, les nuits d’insomnie ont cessé et maintenant c’est devenu très sporadique. Maintenant ma pratique m’aide à ouvrir des portes à l’intérieur de moi, à développer ma concentration et un état méditatif dans mes asanas.

Enfin, comme j’avance en âge, je dois ajuster ma pratique pour me permettre d’atteindre mes objectifs. C’est la grande force du yoga Iyengar de pouvoir adapter notre pratique selon notre capacité et nos limites du moment. Et c’est ce qui me permet aussi de me sentir toujours en progression et en expansion car, avec l’expérience, on ne pratique plus les postures de la même façon.

Q. Avec quelles forces as-tu abordé ta trajectoire ?

R. Tout s’est déroulé de façon naturelle. Un peu comme la pratique du piano, j’ai vraiment aimé au départ la pratique du yoga car j’y voyais beaucoup de similitudes : maitrise d’un instrument (en musique, l’instrument, en yoga : notre corps) par le développement d’habiletés physique et mentale, bonne capacité de concentration, grande dose d’humilité dans l’exercice, régularité pour pouvoir progresser, enfin bien-être et sérénité ressentis après une bonne pratique.

J’ai d’abord essayé d’améliorer ma pratique personnelle par l’assiduité aux cours et par une pratique personnelle régulière. Ensuite m’est venue l’idée d’enseigner. Durant les cours de Lucie Guindon, je regardais les initiales du nom de Lucie sur les blocs en bois que nous utilisions et qui sont les mêmes que les miennes, L.G., et je me disais qu’un jour je verrais aussi ces initiales sur mes propres blocs. Comme Lucie n’offrait pas la formation d’enseignant de yoga, j’en suis venu à faire le choix de suivre la formation à Montréal avec Marie-Andrée Morin.

Q. Quelles difficultés as-tu eu à surmonter lors de ta formation ?

R. Ma formation pour le Niveau 1 d’enseignement a duré quatre ans si on inclut la pré-formation d’un an. La pré-formation consistait en un cours de trois heures par mois. La formation quant à elle se déroulait à raison d’une fin de semaine par mois, soit le samedi en après-midi avec 4 heures d’enseignement, un atelier de 3 heures le dimanche matin et 3 heures d’enseignement en après-midi. Les voyages incessants à Montréal et les coûts supplémentaires pour le logement, les repas et le transport ont représenté un important défi financier pour moi. Mais le plus difficile fut que, lorsque j’ai commencé la formation, il ne se donnait plus de cours Iyengar à Québec et j’ai dû pratiquer très fort seul pour essayer de garder le cap avec les autres élèves qui suivaient leurs cours réguliers chaque semaine à Montréal et qui pouvaient aussi pratiquer entre eux. Je me sentais toujours un peu décalé par rapport aux autres et je devais profiter au maximum de mes séjours à Montréal pour me mettre à jour. C’était avant Zoom et l’ère des cours à distance…

Q.  Sur ton chemin, qui sont les pratiquants qui t’ont le plus inspiré ?

R. Les anciens élèves de Lucie Guindon qui sont maintenant devenus mes élèves et qui poursuivent leur pratique du yoga. Je trouve cela très méritoire de continuer à pratiquer après toutes ces années et de les voir adapter les postures en fonction de leur âge et de leurs limites.

Il y a aussi mes copains de formation du Niveau 1 de Montréal qui m’ont soutenu, en particulier Claudie Berge, Yan Chabot et Carla Ramirez. Ils m’ont appuyé tant pour ma formation que pour le démarrage de M Yoga.

Tim Ruddy est mon mentor depuis cinq ans maintenant. Tim est un pratiquant dévoué et discipliné et cela se voit dans sa progression yogique. Comme professeur, ses consignes sont claires et précises, ses cours sont exigeants mais toujours très intéressants. À chaque cours, il nous amène à un dépassement de soi. Depuis 2020, soit depuis le début de la pandémie, je peux suivre ses cours à distance chaque semaine et cela a grandement contribué à améliorer ma pratique et ma façon d’enseigner. Comme mentor, il est une ressource inestimable d’informations, un très bon conseiller, rigoureux mais bienveillant. Je me sens vraiment en confiance avec lui pour poursuivre mon évolution yogique dans ma route pour l’obtention du Niveau 3 de certification.

Q. Qu’est-ce que ton séjour en Inde de 2018 t’a apporté ?

R. J’ai fait le voyage à Pune avec deux amies de Montréal, Claudie Berge et Marie-Claude Gervais et cela fut une belle expérience de partager avec elles nos expériences quotidiennes, soit à l’Institut ou dans la ville de Pune. Nous avons accumulé beaucoup de souvenirs et d’anecdotes qui nous lient ensemble.

Mon séjour en Inde a été une révélation en ce sens que j’ai pu observer sur place l’enseignement de professeurs du Ramamani Iyengar Yoga Institute à Pune et leur manière de rythmer leur cours et de développer leurs séquences de postures. La majorité des cours sont offerts en anglais pour les professeurs étrangers, mais il y a d’autres cours qui sont proposés aux habitants de Pune. Même si ces cours étaient donnés en Marathi (langue de cet état indien, le Maharastra, qui compte tout de même 115 millions de locuteurs), c’était toujours intéressant d’observer l’enseignement des professeurs car ces cours s’adressaient davantage à tous et non à des professeurs certifiés.  Durant notre mois en Inde, nous avions droit à un cours d’une heure trente par jour pendant six jours mais nous pouvions aussi observer autant de cours que nous voulions. De plus, la grande salle de l’Institut était disponible pour une pratique personnelle tous les matins de neuf heures à midi. Nous avons beaucoup profité de ce temps de pratique, en observant et en échangeant aves les autres pratiquants.

J’ai eu la chance de suivre quelques cours avec Geeta Iyengar. Elle était malade et souvent elle a dû se faire remplacer par Abhijata mais lorsque Geeta enseignait, elle rayonnait et on avait l’impression qu’on avait directement accès à l’enseignement de son père avec sa rigueur et sa passion du yoga.  Elle est décédée cinq mois après notre séjour, le 16 décembre 2018. J’ai donc pu observer des cours pour les personnes âgées, les enfants, des cours pour des élèves avancés, des cours de Pranayama et aussi la classe thérapeutique qui ressemble vraiment à une cour des miracles tellement les professeurs indiens aidés par des professeurs étrangers avancés, sous la direction de Geeta Iyengar, accomplissaient des choses vraiment étonnantes avec une dextérité et une connaissance intuitive très avancée du corps humain et des possibilités thérapeutiques du yoga.

Ce séjour a complétement changé ma façon de pratiquer et d’enseigner.

Q. Y a-t-il des textes qui t’ont particulièrement éclairé ou inspiré ?

R. Bien sûr la Bhagavad Gîta et les Yoga Sutras de Patanjali commentés par B.K.S. Iyengar, les Astadala Yogamala de B.K.S. Cependant depuis quelques années je lis beaucoup les livres de Prashant Iyengar (Alpha and Omega of Trikonasana et Light on Vyasa Bhashya).

Il a aussi publié une petite plaquette que je relis souvent Chittavijnana of Yogasanas. Ce livre résume bien la démarche du yoga et comment la pratique des asanas travaille sur le moi (Ahamkara), modifie les dispositions et les penchants du mental en contribuant ainsi à l’évolution rapide de la conscience.

Q. Qu’est-ce qui a évolué dans ta manière d’enseigner ?

R. Ma façon d’observer les élèves a beaucoup évolué et ensuite l’ajustement de mes séquences en fonction de ce qui se passe dans la classe. En fait, j’ai gagné en souplesse autant dans ma pratique que dans mon enseignement.

Q. Qu’est-ce que tu recommandes aux débutants ?

R. D’abord, de profiter de notre carte Surya pour les débutants qui donne un accès illimité au cours du Niveau 1 pendant 10 semaines. Cela leur permettra de découvrir, d’assouplir et de tonifier leur corps, de connaître les consignes de base des postures (asanas) pour bien les exécuter et de profiter des effets bénéfiques du yoga.

Ensuite, de commencer à pratiquer quelques postures à la maison, puis d’y ajouter une petite séquence tout en étant assidu aux cours.  Ce processus de pratique personnelle devrait s’enclencher de façon naturelle. B.K.S. Iyengar disait que « lorsqu’on suit un cours de yoga, c’est l’énergie du professeur qu’on reçoit et lorsqu’on pratique soi-même c’est notre propre énergie qu’on développe ». Je souhaite à tous mes élèves débutant.es d’utiliser l’enthousiasme du début pour démarrer une pratique personnelle qui les accompagnera tout le long de leur vie.

Q. Qu’est-ce que tu aimerais encore accomplir ?

R. D’abord, mener à bon port mes trois apprentis professeur.es afin qu’ils puissent obtenir leur certification pour le Niveau 1 de certification. Ensuite, j’aimerais obtenir moi-même le Niveau 3 de certification, ce qui me permettrait de pouvoir continuer de former mes apprentis pour l’obtention du Niveau 2. Nous pourrions ainsi assurer le développement du yoga Iyengar à Québec.

Q. En conclusion, de quoi es-tu le plus fier ?

R. Je suis fier d’avoir démarré et développé le studio M Yoga avec mon épouse, Johanne Gagné. Sans elle, le studio n’aurait pas cette couleur ni cette chaleur qui lui sont propres.

Johanne s’occupe de la location de nos deux petits locaux et de la grande salle, elle voit à la relation avec nos partenaires, la décoration du studio et son entretien et aussi à l’organisation de nos activités, que ce soit notre Pot Luck des Fêtes au studio ou de l’atelier au Domaine Floravie, dans la région du Bic. Nous avons fait équipe pendant vingt ans en musique et nous nous sommes renouvelés ensemble par le yoga. C’est grâce à son soutien et à son talent d’organisatrice si notre communauté Iyengar s’est si bien développée et a trouvé son essence !

Le mot de la fin à Johanne

Q. Johanne, tu accompagnes Louis depuis 34 ans et tu as été l’observatrice privilégiée de toute sa trajectoire. Tu as aussi lu son témoignage. Qu’est-ce que tu ressens aujourd’hui face à cet accomplissement ?

R. Beaucoup de fierté et une reconnaissance sans bornes pour tout ce que Louis m’a appris par l’exemple depuis 34 ans : la discipline, la persévérance dans l’effort, la capacité de faire face à l’adversité sans émoi, la souplesse d’adaptation et une infaillible constance dans tous ses projets. Par ailleurs, je trouve que Louis est un homme exceptionnellement généreux dans tous les aspects de sa vie, pour ses proches et pour ses amis comme pour ses élèves.

Q. Y a-t-il des points que tu souhaiterais ajouter ?

R. En plus d’être mon époux et mon amoureux, Louis est aussi mon meilleur ami, mon complice, mon partenaire professionnel. Nous sommes parvenus à partager toutes les dimensions de nos existences et nous nous sentons bien soudés par ces expériences qui reposent sur notre base de sobriété. Je le remercie aussi de sa patience envers la pratiquante de yoga que je suis, qui peut être encline à une certaine « délinquance ». Louis ne peut avoir un visage plus radieux et illuminé que lorsque je lui propose de faire une séance de yoga avec lui. Je le sens alors au comble du bonheur ! Je lui si infiniment reconnaissante pour toute la richesse qu’il m’a apportée.

 
 

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